Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), la conduite des hostilités par les forces armées russes a été ainsi caractérisée par « l’utilisation généralisée d’armes explosives ayant des effets à grande échelle dans les zones peuplées.
Il s’agit notamment de tirs d’artillerie lourde et de systèmes de roquettes à lancement multiple, de missiles et de frappes aériennes.
La plupart des victimes civiles et des dommages aux biens civils enregistrés par la mission onusienne ont été causés par l’utilisation de ces armes.
Selon ce nouveau rapport rendu public ce lundi et qui sera présenté mercredi 30 mars devant le Conseil des droit de l’homme, « tout porte à croire que de graves violations du droit international humanitaire et des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ont été commises au cours du conflit, notamment en ce qui concerne les principes de distinction et d’interdiction des attaques sans discrimination ».
Plus de 1.100 victimes civiles à ce jour
Certaines des munitions non guidées lancées à partir du sol auraient été largement utilisées par les forces armées russes lors des attaques contre Tchernihiv, Hostomel, Irpin, Kharkiv, Kyïv, Lysychansk, Marioupol, Sievierodonetsk, Sumy, Volnovakha et Zhytomyr.
Les services de la Haute-Commissaire Bachelet ont également reçu des allégations crédibles selon lesquelles les forces armées russes ont utilisé des armes à sous-munitions dans des zones peuplées à au moins 16 reprises.
Ces attaques ont fait des victimes civiles et endommageant des biens civils. Par exemple, le 24 février, une arme à sous-munitions a explosé à l’hôpital central de Vuhledar (région de Donetsk), contrôlé par le gouvernement, tuant au moins quatre civils et en blessant dix. Cette attaque a endommagé des ambulances et l’hôpital. Le 25 février, six bombes ont atterri sur et autour d’un jardin d’enfants à Okhtyrka (région de Sumy).
Le bilan des victimes civiles tuées en Ukraine depuis le début de la guerre contre ce pays est passé à 1.119 dont 52 enfants, mais il est probablement beaucoup plus lourd, a souligné le HCDH. Au total, 2.909 victimes civiles ont été enregistrées dans le pays dont 1.790 blessés depuis le 24 février.
Actes de torture
La plupart des victimes civiles ont été tuées par des armes explosives ayant une large zone d’impact, notamment des tirs d’artillerie lourde, des lance-roquettes multiples, des missiles et des frappes aériennes.
Sur un autre plan, le rapport pointe du doigt les violations commises par les forces armées ukrainiennes accusées d’avoir « bombardé des zones peuplées sur le territoire contrôlé par des groupes armés affiliés à la Russie ».
« Selon certaines allégations, les forces armées ukrainiennes se seraient livrées à des bombardements de zones habitées dans le territoire contrôlé par les groupes armés affiliés à la Russie dans les régions de Donetsk et de Louhansk », poursuit le document.
D’une manière générale, le HCDH est préoccupé par un grand nombre d’informations et de vidéos faisant état de tortures et de mauvais traitements infligés à des personnes considérées comme des partisans pro-russes. Les services de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet indiquent avoir reçu des « allégations crédibles de plus de 45 cas de torture et de mauvais traitements par des civils, des policiers et des membres de la défense territoriale ».
Dans la plupart des cas, les auteurs auraient attaché des personnes à des poteaux électriques ou à des arbres avec du ruban adhésif. Ils les auraient partiellement ou totalement déshabillées, les auraient battues, notamment avec des bâtons et des baguettes, et les auraient aspergées de peinture ou auraient marqué leur corps et leurs vêtements du mot « maraudeur ».
Attaques contre des établissements de santé et des sites scolaires
Par ailleurs, 35 attaques ont été notifiées contre les établissements scolaires, dont trois universités, huit jardins d’enfants, 23 écoles et un centre scientifique.
Le rapport a également vérifié 74 incidents au cours desquels des établissements médicaux ont été touchés avec différents degrés de dommages, dont 46 hôpitaux. En conséquence, 54 établissements médicaux ont été endommagés, 10 détruits, deux ont été pillés.
Soixante et une des attaques qui ont endommagé des installations médicales se sont produites dans le territoire contrôlé par le gouvernement. Il s’agit notamment de frappes aériennes sur des hôpitaux à Izium, Marioupol, Ovruch, Volnovakha et Vuhledar. Neuf attaques ont eu lieu dans le territoire contrôlé par des groupes armés affiliés à la Russie.
Tenue de consultations sur l’impact humanitaire de l’utilisation d’armes explosives
Des consultations informelles en vue d’une déclaration politique sur l’impact humanitaire de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées sont prévues du 6 au 8 avril 2022 à Genève.
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a salué le travail entrepris par les États jusqu’à présent pour élaborer une déclaration politique qui traite des conséquences humanitaires de l’utilisation de telles armes explosives dans les zones habitées.
L’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA) est une cause majeure de décès et de blessures de civils pendant les conflits armés. Au cours de la dernière décennie, quelque 238.000 civils ont été victimes de l’utilisation de telles armes. En moyenne, 90% des victimes d’attaques utilisant des armes explosives dans des zones peuplées sont des civils, selon l’ONU.
« Depuis 2009, le Secrétaire général n’a cessé de souligner les graves conséquences de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées et a appelé à plusieurs reprises les parties à un conflit à éviter l’utilisation de ces armes afin d’empêcher que les civils et les biens civils ne soient touchés », a déclaré dans un communiqué Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général.
Le Secrétaire général demande un texte fort pouvant éviter l’utilisation de ces armes explosives. L’ONU s’est dit favorable à l’élaboration d’une déclaration politique, ainsi que de limitations, de normes communes et de politiques opérationnelles appropriées, conformément au droit humanitaire international relatif à l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.
Les effets « dévastateurs » de ces armes sur les populations civiles
L’utilisation de ces armes entraîne un traumatisme durable pour des millions de filles, de garçons, de femmes et d’hommes. Les zones peuplées de toutes les régions du monde ont subi les « souffrances dévastatrices » de l’usage de ces armes.
Certains types d’armes explosives à effets étendus ont été conçus à l’origine pour être utilisés sur des champs de bataille traditionnels et ouverts. Lorsqu’ils sont utilisés dans des zones peuplées, ils provoquent des destructions massives et souvent aveugles. Ils touchent ainsi les civils et les biens civils, notamment les établissements de santé, les écoles ou les installations d’eau et d’assainissement.
Ces effets sont « dévastateurs ». L’ONU rappelle la perte à long terme de l’accès à l’éducation, aux services de santé, à l’eau, aux communications et aux moyens de subsistance. Les effets destructeurs et perturbateurs à long terme de l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées représentent un moteur essentiel des déplacements massifs, tant à l’intérieur des États qu’au-delà des frontières, tout en entravant le retour volontaire, sûr, digne et durable des communautés déplacées vers leurs lieux d’origine.
En outre, l’utilisation de ces armes dans les zones peuplées entraîne souvent des niveaux élevés de contamination par les munitions explosives. Cela entrave les efforts de stabilisation et de reconstruction longtemps après la fin des hostilités.