« Je n’oublierai jamais les images terrifiantes de civils tués à Boutcha. J’ai immédiatement appelé à une enquête indépendante pour garantir une reddition des comptes effective », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, devant les membres du Conseil, en référence aux images des corps gisant dans la ville ukrainienne de Boutcha, découverts après le retrait de troupes russes.
Témoignages de viols et violences sexuelles
« Je suis également profondément choqué par les témoignages personnels de viols et de violences sexuelles qui émergent actuellement », a-t-il ajouté. « La Haute-Commissaire aux droits de l’homme a évoqué d’éventuels crimes de guerre, de graves violations du droit international humanitaire et de graves violations du droit international des droits de l’homme ».
Lors de son intervention par visioconférence, le Président ukrainien a affirmé que l’objectif russe est de tuer le plus grand nombre possible de civils. Selon lui, les troupes russes détruisent délibérément des villes entières, affament les populations et visent des convois de civils qui cherchent à fuir les hostilités et font sauter les abris. Le Président ukrainien a appelé le Conseil de sécurité à agir en faveur de la paix.
Le Représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vassily Nebenzia, a pour sa part souligné les efforts déployés « chaque jour » par son pays pour mettre en place des couloirs humanitaires, accusant la « partie ukrainienne » de ne pas se conformer à ses obligations. Il a affirmé que comme la Russie épargne les civils afin de sauver le plus de vies possibles, elle n’avance pas aussi vite que beaucoup l’espéraient.
Le chef de l’ONU a décrit la crise ukrainienne, provoquée par l’invasion russe, comme « l’un des plus grands défis jamais lancés à l’ordre international et à l’architecture de paix mondiale, fondée sur la Charte des Nations Unies ».
À ce jour, l’offensive russe a déplacé plus de 10 millions de personnes en un mois seulement, le mouvement de population forcé le plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale, a déclaré M. Guterres. Sur ce nombre, plus de 4,2 millions ont franchi les frontières de l’Ukraine, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR.
Compte tenu de l’urgence de la situation, le chef de l’ONU a expliqué qu’il avait chargé le Coordinateur des secours d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths, de se rendre en Russie et en Ukraine pour obtenir un cessez-le-feu humanitaire immédiat.
Impact de la guerre sur les pays en développement
M. Guterres a ajouté qu’au-delà des frontières de l’Ukraine et en particulier dans les pays en développement, la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales causée par la guerre a entraîné des hausses massives des prix des aliments, de l’énergie et des engrais, la Russie et l’Ukraine faisant partie des principaux producteurs mondiaux.
« Rien qu’au cours du mois dernier, les prix du blé ont augmenté de 22%, ceux du maïs de 21% et ceux de l’orge de 31% », a déclaré le Secrétaire général, avant de noter avec inquiétude que 74 pays en développement avec une population totale de 1,2 milliard d’habitants étaient « particulièrement vulnérables » à la flambée des prix des aliments, de l’énergie et des engrais.
Le chef de l’ONU a également averti que les remboursements de la dette représentent désormais 16% des recettes d’exportation des pays en développement, tandis que le fardeau est deux fois plus élevé pour les petits États insulaires en développement, en raison de la hausse des taux d’intérêt et des importations coûteuses.
Selon M. Guterres, avec tous les signaux d’alerte qui clignotent au rouge, « nous avons le devoir d’agir ».
Il a noté que le Groupe mondial de réponse à la crise sur l’alimentation, l’énergie et la finance qu’il a créé le mois dernier a formulé quelques recommandations initiales à l’intention des États membres et des institutions financières internationales.
« En ce qui concerne l’alimentation, nous exhortons tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions à l’exportation injustifiées et inutiles et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés par la faim et la famine. L’heure n’est pas au protectionnisme », a-t-il souligné.
« Les appels humanitaires doivent être entièrement financés. Les gens pris dans des crises partout dans le monde ne peuvent pas payer le prix de cette guerre », a-t-il ajouté.
Concernant l’énergie, le chef de l’ONU a estimé que l’utilisation de stocks stratégiques et de réserves supplémentaires pourrait contribuer à atténuer la crise énergétique à court terme. « Mais la seule solution à moyen et long terme est d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui ne sont pas impactées par les fluctuations du marché », a-t-il dit.
Quant à la finance, le Secrétaire général a jugé nécessaire que les institutions financières internationales passent en mode urgence. « Nous avons besoin d’une action urgente de la part du G20 et des institutions financières internationales pour accroître les liquidités et l’espace budgétaire afin que les gouvernements puissent fournir des filets de sécurité aux plus pauvres et aux plus vulnérables », a-t-il dit. « La réforme que j’ai réclamée du système financier mondial est attendue depuis longtemps ».