La situation des droits de l’homme « s’est considérablement détériorée » en Crimée depuis l’occupation, puis l’annexion russe, selon un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) publié lundi.
Cette « grave détérioration » est « une conséquence directe de l’occupation », a déclaré la Chef de la Mission de surveillance de l’ONU sur les droits de l’homme en Ukraine, Fiona Frazer, lors d’une conférence de presse à Genève.
« De multiples et sérieuses violations du droit à l’intégrité physique et mentale ont été commises par des agents d’Etat de la Fédération de Russie en Crimée depuis 2014 », relève le rapport qui recense de « graves violations des droits de l’homme, telles que des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées, des cas de mauvais traitements et de torture, et au moins une exécution extra-judiciaire ».
La majorité des accusations de torture date d’il y a trois ans mais d’autres abus ont eu lieu plus tard. Pendant les trois semaines qui ont suivi le renversement des autorités ukrainiennes en Crimée en 2014, les violations ont été attribuées à plusieurs groupes. Les services de renseignement russes et la police ont ensuite été « mentionnés plus fréquemment comme les auteurs », dit le rapport.
La mission de l’ONU reproche aux autorités russes leur échec à mener des investigations sur toutes ces violations et le fait que la justice n’ait pas garanti de procès équitables. L’absence d’enquêtes suggère que les auteurs de ces violations ont bénéficié et continuent de jouir de l’impunité, indique le HCDH dans son rapport.
impunité
Le rapport souligne également que certaines minorités ont été « ciblées de manière disproportionnée », a ajouté Mme Frazer. Et des organisations ont été confrontées à des restrictions « considérables ».
Des discriminations liées à la question de la nationalité
Dans son rapport, la Mission de l’ONU sur les droits de l’homme en Ukraine dénonce également « l’imposition » de la citoyenneté russe et « d’un nouveau cadre juridique » qui ont considérablement limité la jouissance des droits humains en Crimée.
l’imposition de la citoyenneté russe
Parmi les dizaines de milliers de personnes impactées par l’imposition de la citoyenneté russe, figurent celles qui ont formellement refusé cette décision, les fonctionnaires et les résidents qui n’ont pas pu accéder légalement à la nationalité russe. Ces personnes sont victimes de discrimination en matière d’emploi, d’accès à la santé, de jouissance des droits électoraux ou d’accès à la propriété, souligne le rapport.
« La question de la citoyenneté a eu un impact majeur sur la vie de nombreux habitants de la Crimée », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein. « Imposer la citoyenneté aux habitants d’un territoire occupé peut être assimilé à les obliger à jurer allégeance à un pouvoir qu’ils peuvent considérer comme hostile, ce qui est interdit par la quatrième Convention de Genève ».
Dans son rapport, le HCDH fait également valoir que les lois russes ont été étendues à la Crimée « en violation du droit international humanitaire », et que « dans de nombreux cas, elles ont été appliquées arbitrairement ».
des centaines de prisonniers transférés en Russie
Des centaines de prisonniers et de personnes en détention préventive ont été transférés en Russie, toujours en violation du droit international humanitaire. Au moins trois d’entre elles sont décédées, n’ayant pu recevoir les soins dont elles avaient besoin. En mars dernier, la Mission onusienne a entendu une dizaine d’autres détenus qui ont indiqué s’être vu refuser une assistance médicale.
« Il y a un besoin urgent d’établir les responsabilités pour les violations et les abus des droits de l’homme et d’apporter une réparation aux victimes », a déclaré M. Zeid.
Le rapport de la Mission demande notamment à Moscou de mettre un terme aux procès sur des faits qui ont eu lieu avant l’occupation russe. Il appelle également les autorités russes à accorder un accès sans entrave aux missions internationales d’évaluation des droits de l’homme.
Malgré les efforts diplomatiques et les demandes formulées par le HCDH, les experts onusiens n’ont pas été autorisés à se rendre en Crimée. « La dernière visite en Crimée remonte à mars 2014 lorsque l’ancien Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l’homme, Ivan Simonovic, s’y est rendu », a fait remarquer Mme Frazer.