L’épisode de gel exceptionnel qui a traversé la France dans la nuit du 7 au 8 avril n’a pas épargné le Languedoc. Les conséquences sont d’autant plus graves pour la vigne que cet épisode a été précédé de quelques jours particulièrement doux qui avaient enclenché son débourrement. Sur des bourgeons nouvellement sortis, le gel a causé de gros dégâts : la vendange 2021 pourrait être amputée de 30 à 50 % de ses volumes et jusqu’à 90 % dans certaines zones expliquent en fin de semaine les professionnels du secteur.
« Dans un contexte économique difficile marqué par la crise sanitaire, la fermeture du secteur de la restauration, les taxes Trump sur les USA… cet événement climatique particulièrement brutal fragilise plus encore la filière viticole française. Dans notre région, le gel a frappé jusque dans des secteurs habituellement protégés », constate Miren de Lorgeril, présidente du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL), qui a appelé les représentants des AOC et IGP en réunion de crise.
Les AOC durement affectées en plaine
En dépit des dispositifs de protection mis en place par les vignerons, « dans l’ensemble, tout le monde est touché », constate Jean-Philippe Granier, directeur technique de l’AOC Languedoc, « y compris dans des zones qui n’avaient jamais gelé depuis cinquante ans. » Un gel d’avril peut être compensé par la plante, qui peut refaire des bourgeons pour remplacer ceux que le gel a détruits, mais, précise Jean-Philippe Granier, «dans beaucoup d’endroits, la perte de récolte est de 50 % avec des parcelles tellement abîmées qu’on n’imagine pas une deuxième génération de bourgeons.»
En Terrasses du Larzac, on parle d’une perte de 80 % des volumes ; de son côté, Isabelle Vermorel, directrice de l’AOC Grès de Montpellier, évalue la perte de récolte « à 30 à 90 % ». En AOC Picpoul de Pinet, dans l’Hérault, « 15 à 90 % des vignes sont touchées », témoigne Céleste Renaud, directrice du syndicat. La proximité de l’étang de Thau n’a pas protégé la vigne.
En Pic Saint-Loup, les températures ont atteint -7° C à – 8° C, Sophie Landreau, directrice de l’AOC table « pour l’instant sur 50 % de pertes, avec une situation hétérogène dans l’appellation. » Dans l’appellation Saint-Chinian, le gel a grillé « grosso modo 50 % des vignes. » Même chose pour l’AOC Faugères, entre 20 et 90 % en Languedoc-Pézenas. Dans tous les cas, les vignes de plaine ont été plus touchées que celles des coteaux.
L’ouest du Languedoc semble relativement épargné. A la Clape, l’effet tempérant de la mer a protégé l’appellation. Mais les dégâts sont hétérogènes : en Minervois, si le cru La Livinière a été moins touché, ce n’est toutefois pas le cas du cru Boutenac en Corbières, observe Virginie Gouxette-Blasco, qui estime que sur l’ensemble de l’AOC, « 65 à 70 % des parcelles sont impactées. Le littoral a été moins touché, de l’ordre de 30 à 40 % ». Pour Stéphane Roux, directeur de la Fédération Sud des AOC, « l’ouest audois a été impacté moins fort, de 15 à 20 %. L’appellation Malepère, près de Limoux a été la plus gelée. »
Les IGP amputées des deux tiers de leur vendange ?
L’importance de la proportion de vignobles de plaine en IGP explique que ces dernières aient été particulièrement affectées par le gel. Pour Sylvie Olivet, Directrice de l’IGP Hérault : « En zone d’indication géographique protégée, on estime la perte de récolte entre 60 et 90 %. Certains vignerons ont tout perdu. ».
Dans l’Aude, le directeur des IGP de l’Aude, Bernard Augé, estime quant à lui que, sur son département, « les deux tiers du vignoble ont été atteints »
A l’Est du Languedoc, « les pertes sont évaluées entre 60 et 70 % en Cévennes gardoises », précise Dany Pérégrine, directeur des IGP Sud de France.
Miren de Lorgeril a d’ores et déjà sollicité Mme Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie, les services de l’état , Préfets et DRAC et les parlementaires de la région afin de demander la mise en place d’un plan de soutien massif, avec de nouvelles mesures fortes d’aide aux entreprises de la production et de la mise en marché, pour sauver une filière d’excellence : « Comme toujours, nous saurons faire preuve de courage, mais devant un évènement aussi majeur, nous n’y arriverons pas seuls et nous aurons besoin du soutien de l’Etat et de la Région à la hauteur du préjudice subi et de la contribution de notre filière à l’économie et à l’image de l’Occitanie et de la France ».