La décision de la Cour pénale internationale (CPI) d’émettre des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité contre le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant et le commandant du Hamas Mohammed Deif a suscité un vif intérêt pour la Cour et pour ce qui va suivre.
Pourquoi ces mandats d’arrêt ont-ils été émis ?
La CPI ne peut enquêter et engager des poursuites que si le système judiciaire national des pays concernés ne mène pas, aux yeux de la Cour, de véritables enquêtes ou poursuites pour les mêmes crimes présumés.
« La responsabilité première incombe aux systèmes judiciaires nationaux », a expliqué Fadi El Abdallah, porte-parole de la CPI, à ONU Info. « Cependant, s’il n’y a pas de véritables enquêtes ou poursuites, la Cour doit enquêter et engager des poursuites lorsque les conditions légales sont remplies. Cela signifie donc qu’il ne suffit pas d’avoir un système juridique, il faut aussi démontrer que ce système juridique est actif en ce qui concerne les crimes ou les crimes présumés ».
Les mandats d’arrêt, liés à des crimes de guerre présumés découlant du conflit de Gaza qui dure depuis un an et qui a été déclenché par les attaques menées par le Hamas en Israël, indiquent que les juges ont trouvé des motifs raisonnables de croire que les suspects sont responsables de crimes relevant de la compétence de la CPI.
Au stade préliminaire, les accusés peuvent contester la recevabilité de la procédure. « L’État concerné ou le suspect concerné peut demander à la CPI de mettre fin aux poursuites engagées contre lui », explique M. El Abdallah, « mais cela doit être fondé sur la preuve qu’il existe de véritables poursuites sérieuses, au niveau national, pour le même comportement présumé ».
Il est également important de noter que la CPI ne conduit pas de procès par contumace : les accusés doivent être physiquement présents pour que l’affaire puisse commencer.
Tous les accusés sont présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit prouvée au-delà de tout doute raisonnable devant la CPI. Chaque accusé a droit à un procès public et impartial. Si et quand les suspects comparaissent, ils bénéficient d’une équipe de défense si nécessaire, et passent par une audience de confirmation des charges avant que l’affaire ne puisse passer au procès.
Une fois que les accusés comparaissent devant le tribunal, une audience de « confirmation des charges » a lieu, au cours de laquelle les juges décideront, après avoir entendu la défense, si les preuves du Procureur sont toujours suffisamment solides pour que l’affaire passe au procès.
S’ils décident d’aller de l’avant, la défense et le ministère public appelleront des témoins et présenteront des preuves. Les représentants légaux des victimes ont également le droit de présenter leurs observations en personne.
La Cour décide ensuite si les accusés sont innocents ou coupables, et quelle doit être leur peine.
Enfin, les accusés ont le droit de faire appel devant la Chambre d’appel de la CPI, composée de cinq juges, différents des trois juges de la phase préliminaire et des trois autres juges de première instance.
Quelle est l’importance de ces mandats ?
La réponse à cette question réside dans la raison pour laquelle la Cour a été créée en premier lieu. Créée en 2002, la CPI est la première cour pénale internationale permanente au monde, fondée sur un traité, chargée d’enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de génocide et de crimes d’agression.
Les mandats envoient un signal indiquant que l’Etat de droit doit être respecté et offrent une voie légale vers la justice, ce qui est essentiel pour briser le cycle de la violence et de la vengeance.
Les pays qui reconnaissent la Cour sont obligés de soutenir les mandats.
La Cour n’a pas de police pour faire exécuter ses mandats et dépend de ses États membres pour mettre en œuvre ses ordonnances. Cela signifie que si M. Nétanyahou, M. Gallant ou M. Deif (qu’Israël affirme avoir tué, bien que cela n’ait pas été confirmé par le Hamas) se rendent dans l’un des 124 pays qui acceptent la compétence de la Cour, les autorités du pays en question devraient les arrêter et les livrer à un centre de détention aux Pays-Bas, où siège la Cour.
Pourquoi émettre des mandats d’arrêt, si les accusés ne sont pas susceptibles d’être jugés ?
« Les juges ont décidé, sur la base des preuves et de l’Etat de droit tel qu’ils les ont interprétés, et nous devons respecter cela », déclare M. El Abdallah.
« Il est important de laisser penser aux gens que la loi est là pour eux, et qu’ils croient que justice sera faite, car sinon, quels choix leur laissons-nous, à part continuer dans le cycle de la violence et de la vengeance ? »