Alors que les déchets plastiques qui jonchent les plages et les océans attirent l’attention, le rapport de la FAO intitulé Évaluation des plastiques agricoles et de leur durabilité : un appel à l’action suggère que les terres que nous utilisons pour cultiver nos aliments sont contaminées par des quantités encore plus importantes de polluants plastiques.
« Les sols sont l’un des principaux récepteurs des plastiques agricoles et on sait qu’ils contiennent des quantités de microplastiques plus importantes que les océans », a déclaré Maria Helena Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO.
Des chiffres surprenants
« Chaque année nous avons 12,5 millions de tonnes de produits plastiques qui sont utilisés dans la production végétale et animale », a expliqué le Directeur adjoint du Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement à la FAO, Zitouni Ould-Dada, au micro d’ONU Info.
« Et c’est une quantité presque équivalente aux 11 millions de tonnes qui sont rejetés sous forme de déchets marins. Et à cela s’ajoute aussi à près de 37 millions de tonnes utilisés dans les emballages alimentaires », a-t-il ajouté. « Les plus grands utilisateurs de produits plastiques sont les secteurs de l’agriculture et de l’élevage qui consomment environ 10 millions de tonnes par an et c’est un chiffre important parce que c’est à peu près 3% de la production mondiale de plastique ».
La pêche et l’aquaculture sont aussi responsables pour 2 millions de tonnes et la sylviculture est responsable pour 0,2 million de tonnes de produits plastiques.
Le rapport indique que l’Asie est le plus grand utilisateur de plastiques dans la production agricole, représentant près de la moitié de l’utilisation mondiale. En outre, en l’absence d’alternatives viables, la demande de plastique dans l’agriculture ne peut qu’augmenter.
Alors que la demande de plastique agricole continue d’augmenter, Mme Semedo a souligné la nécessité de mieux surveiller les quantités qui « fuient dans l’environnement à partir de l’agriculture ».
Peser les risques
Depuis leur apparition dans les années 1950, les plastiques sont devenus omniprésents. Dans l’agriculture, les produits en plastique contribuent grandement à la productivité, par exemple en couvrant le sol pour réduire les mauvaises herbes ; les filets qui protègent et stimulent la croissance des plantes, prolongent les saisons de culture et augmentent les rendements ; et les protections d’arbres, qui protègent les semis et les jeunes plants des animaux, contribuent à créer un microclimat propice à la croissance.
« Ce sont des opportunités importantes pour les agriculteurs », indique M. Ould-Dada. « Il y a aussi le bon facteur de la réduction de la demande en eau. On trouve que l’efficacité moyenne de l’utilisation de l’eau pour les cultures dans plusieurs régions en Chine, par exemple, aurait augmenté de presque 25% par rapport au contrôle qui est effectué sans paillage », explique-t-il.
Cependant, sur les quelque 6,3 milliards de tonnes de plastique produites avant 2015, près de 80% n’ont jamais été éliminées correctement.
Si les effets des grands objets en plastique sur la faune marine ont été bien documentés, les microplastiques libérés lors de leur désintégration affectent potentiellement des écosystèmes entiers.
Mauvaises gestions du plastique en fin de vie
Malheureusement, les propriétés mêmes qui rendent les plastiques si utiles créent des problèmes lorsqu’ils arrivent à la fin de leur vie utile.
« Une mauvaise conception, une mauvaise sélection, utilisation et gestion de cette fin de vie des produits plastiques a des effets néfastes sur les écosystèmes terrestres et aquatiques », explique M. Ould-Dada.
« Souvent les agriculteurs n’ont pas les moyens suffisants pour sélectionner, utiliser et gérer ou récupérer ces produits afin d’éliminer correctement le plastique des champs », indique-t-il. « Et ils n’ont souvent pas aussi accès aux outils nécessaires pour une bonne gestion de ces produits en fin de leur vie ».
Par conséquent ces plastiques sont souvent abandonnés ou brûlés dans les champs « ce qui entraîne la contamination des sols ».
L’introduction des films plastiques biodégradables est complexe à cause du manque de normalisation de leur efficacité et dégradabilité. « On a des données qui proviennent de la Chine, par exemple, qui ont montré que l’accumulation de plastique dans le sol jusqu’à 240 kg par hectare peut réduire le rendement des cultures de 11 à 25% ».
Un autre facteur important : la production de plastiques contribue aux émissions de gaz à effet de serre et donc au changement climatique.
Des microplastiques – d’une taille inférieure à 5 mm – ont été retrouvés dans les excréments humains et le placenta, et ont été transmis aux fœtus par leur mère enceinte.
Si la plupart des recherches scientifiques sur la pollution par les plastiques ont porté sur les écosystèmes aquatiques, les experts de la FAO estiment que les sols agricoles reçoivent des quantités bien plus importantes de microplastiques.
« Ce rapport est un appel fort à une action coordonnée et décisive pour faciliter les bonnes pratiques de gestion et freiner l’utilisation désastreuse des plastiques dans tous les secteurs agricoles », a déclaré Maria Helena Semedo.
Principales recommandations
En l’absence d’alternatives viables, il est impossible d’interdire les plastiques – et il n’y a pas de solution miracle pour éliminer les dommages qu’ils causent.
Le rapport identifie toutefois plusieurs solutions basées sur le modèle ‘Refuser, redéfinir, réduire, réutiliser, recycler et récupérer’.
M. Ould-Dada suggère des produits et pratiques alternatives qui pemettent d’éviter l’utilisation de plastique. Ainsi, les cultures de couverture et la biomasse peuvent remplacer les films de paillage en plastique. Ou encore, les produits réutilisables et durables, par exemple les couvertures en verre et en plastique durable pour les serres, peuvent permettre de réduire l’utilisation du plastique.
La FAO continue à élaborer et aussi d’aider les agriculteurs à être au courant de cette pollution dans les champs et ses conséquences et les solutions alternatives à adopter. « C’est très important pour le développement durable d’une manière générale et pour la sécurité alimentaire dans le long terme », a conclu M. Ould-Dada.