Des chercheurs Toulousains du laboratoire Stromalab viennent de publier un article dans lequel ils démontre que les antidouleurs sécrétés par le corps des mammifères après l’agression de tissus, est favorable à leur cicatrisation mais pas à leur régénération. Une découverte qui ouvre la porte à de nombreuses applications.
Chez la majorité des mammifères, le processus de cicatrisation est rapide mais altère le fonctionnement normal du tissu, contrairement à la régénération. Dans une étude publiée en août 2018 dans la revue Scientific Reports, une équipe du laboratoire StromaLab (UMR 1031 – UT3 Paul Sabatier/EFS/ENVT/Inserm/ERL CNRS 5311), montre que les antidouleurs actuellement utilisés orientent la réparation tissulaire vers une cicatrisation et non une régénération. Ces résultats pourraient impliquer de revoir la stratégie de prise en charge de la douleur.
La régénération correspond à un processus biologique complexe qui permet à un organisme de ramener un tissu agressé proche de son état initial. S’il existe des exemples spectaculaires dans la nature, comme la salamandre capable de reformer un membre entier après son amputation, la régénération chez le mammifère adulte est un phénomène exceptionnel. Dans la grande majorité des cas, la réparation d’un organe à la suite d’une agression très importante conduit à une cicatrisation, mais sera fréquemment associée à une perte fonctionnelle. D’un point de vue évolutif, le processus cicatriciel conduit plus rapidement à la reconstitution d’une barrière face à des agressions ultérieures par rapport au processus de régénération.
Chez les vertébrés inférieurs, plusieurs éléments semblent essentiels au processus de régénération dont la qualité de la réponse inflammatoire et l’innervation sensorielle. Tandis que plusieurs publications récentes ont montré que le rongeur nouveau-né possède des propriétés remarquables de régénération, celles-ci sont rapidement perdues après la naissance pour laisser place au processus de cicatrisation. Ces résultats suggèrent que chez les vertébrés supérieurs, des mécanismes inhibiteurs de la régénération favorisent la cicatrisation.
Après avoir mis au point un modèle de régénération tissulaire chez le mammifère adulte, le laboratoire StromaLab, connu pour ses travaux sur la médecine régénératrice, a montré, en collaboration avec l’équipe de Sophie Vriz du Collège de France, que suite à une agression tissulaire, la libération d’opioïdes endogènes module la réponse inflammatoire, ce qui a pour conséquence d’orienter le processus de réparation vers la cicatrisation et non la régénération. Ainsi, chez une souris qui cicatrise naturellement, un traitement avec un antagoniste des récepteurs aux opioïdes, administré transitoirement et rapidement après l’agression, suffit à induire la régénération du tissu lésé. Ce rôle inhibiteur des opioïdes endogènes sur la régénération a ensuite été validé dans un tout autre modèle de régénération chez le poisson zèbre.
Ces résultats très originaux montrent que le système nociceptif, processus d’alarme sensoriel à l’origine du message nerveux qui provoque la douleur, pourrait jouer un rôle crucial dans les processus de régénération. Ils posent également la question des conséquences sur les processus de réparation des protocoles actuels d’analgésie. En effet, les opioïdes sont connus pour limiter la réponse nociceptive et à ce titre utilisés en routine dans les protocoles analgésiques.
La définition plus précise de la fenêtre temporelle et des sous-types de récepteurs impliqués devrait permettre de redéfinir des protocoles analgésiques qui permettent la régénération.