A l’approche de l’hiver l’association Droit au Logement (DAL) Toulouse, tire la sonnette d’alarme. Dans une lettre ouverte adressée au maire de Toulouse Pierre Cohen et à la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, le DAL dénonce une situation d’urgence à Toulouse pour de nombreuses familles. Le DAL Toulouse y justifie ses actions en faveur des plus pauvres et dénonce la judiciarisation des procédures. in extenso, la lettre ouverte du collectif Droit au Logement, adressée ce jour à Madame Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, Madame Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, Monsieur Henri-Michel Comet, Préfet de la région Midi-Pyrénées, Madame Monique Cavalier, Directrice de l’Agence Régionale de Santé Midi-Pyrénées, Monsieur Pierre Cohen, Maire de la ville de Toulouse, Monsieur Pierre Izard, Président du conseil général de le Haute-Garonne et Monsieur Martin Malvt, Président du conseil régional Midi-Pyrénées :
Depuis le 16 avril dernier, à la fin de l’accueil hivernal à Toulouse et partout en France, de nombreuses familles avec des enfants en bas âge se retrouvent à la rue. Face à cette situation, le Collectif SDF 31 le DAL (Droit Au Logement), et le GPS (Groupement Pour la défense du travail Social) se sont constitués en collectif pour venir en aide à ces familles. Ce collectif rassemble à la fois des militants, des travailleurs sociaux et des personnes et des familles sans abri.Depuis la fin de l’hiver, nous avons réquisitionné plusieurs bâtiments publics pour y mettre à l’abri ces nombreuses familles dont le nombre ne
cesse d’augmenter de manière exponentielle. Mais là n’est pas notre seul objectif, nous revendiquons notre volonté que l’État assume ses responsabilités en matière d’hébergement, de droit au logement et plus largement l’accès aux droits les plus fondamentaux. Nous ne pouvons plus accepter que l’État ait une approche gestionnaire de la précarité prétextant le manque de moyens. Nous pensons fermement que créer des structures d’hébergement pérennes ouvertes toute l’année et en journée, avec des travailleurs sociaux qui auraient pour mission d’accompagner les personnes dans leurs démarches administratives et d’accès à leurs droits reviendrait à terme moins cher à l’État, donc à la Collectivité, qui aujourd’hui dépense des sommes astronomiques dans des nuitées d’hôtel qui profitent en grande partie à des marchands de sommeil.Cette situation dure depuis bien trop longtemps, ce n’est pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme puisque nous nous attendions à ce type de dérives et de conséquences désastreuses pour les familles et les personnes en situation de grande précarité. Les dispositifs sont saturés, plus de 93% des demandes d’hébergement en Haute-Garonne au 115 n’ont pas de réponse favorable. En 2012 en Haute-Garonne, 27 personnes sont décédées des conséquences de leur vie à la rue.
Face à l’inertie des pouvoirs publics, nous n’avions qu’une seule solution: agir. Nous n’avons cependant pas vocation à gérer ces lieux et à pallier les carences de l’État, c’est à lui et aux Collectivités Territoriales de prendre leurs responsabilités. Nous tenons également à préciser que, au sein de ces réquisitions citoyennes, un travail sérieux est fait pour accompagner les personnes dans leurs démarches administratives: elles sont orientées dans le cadre du droit commun, en majorité vers le PAIO
qui fait en sorte que les familles aient accès à leurs droits (santé,logement, domiciliation postale, droit au séjour, scolarité des enfants…), en lien avec les partenaires institutionnels et/ou associatifs.Nous dénonçons également avec force la répression féroce ayant pour résultat l’expulsion systématique des bâtiments que nous
réquisitionnons. Dans bien des cas la Préfecture n’a pas respecté la loi pour nous empêcher de défendre nos droits en utilisant les moyens juridiques et législatifs mis à notre disposition dans ce type de procédure.Malgré l’augmentation de la capacité d’accueil d’hébergement, le nombre de personnes sans domicile fixe a doublé durant les années 2000. Si les logements sociaux, les hébergements, et les réquisitions d’État étaient suffisants, les réquisitions citoyennes ne seraient pas nécessaires. Les familles et personnes concernées par les réquisitions citoyennes n’y vivent que parce qu’elles n’ont pas accès à un hébergement ou un logement social. Cependant nous n’oublions pas que certaines personnes souhaitent vivre dans des habitations alternatives, qu’elles considèrent plus émancipatrices. Nous soutenons leurs droits à y accéder. Nous
respectons et défendons le droit de toutes et tous à avoir accés à des solutions adaptées et qui correspondent à leurs besoins.
Pas de réquisitions citoyennes de biens appartenant à des petits propriétaires ou des SCI familiales : comme le prouvent les réquisitions du collectif DAL Toulouse- Collectif SDF 31- GPS, nous privilégions les bâtiments de biens appartenant à des bailleurs sociaux ou des grands propriétaires, à défaut de bâtiments de l’État à qui incombe la mise à l’abri des personnes.
Bien plus qu’une mise à l’abri… Nos projets participent à l’autonomisation des personnes à travers le droit commun et à la
stabilisation de leurs situations par les démarches sociaux-administratives, la scolarisation, l’emploi, la santé… Ces lieux
de vie reposent sur le principe de l’autogestion et permettent de sortir les personnes de l’isolement : ouverture sur le quartier, liens avec de nombreuses associations et accompagnement par des travailleurs sociaux militants…Nous attendons la mise en oeuvre par l’État du droit inconditionnel à l’hébergement et du droit au logement opposable. Nous proposons de travailler avec des représentants des collectivités locales et de l’État, avec d’autres associations et avec des bailleurs sociaux afin de concevoir ensemble des projets innovants et diversifiés qui permettront à chacun d’avoir accès à une solution adaptée. Nous déplorons enfin la tentative de division initiée par l’inertie de l’État qui a pour conséquence des poursuites judiciaires intentées par les grosses associations gestionnaires à l’encontre des petits collectifs qui luttent et oeuvrent pour le même objectif : l’hébergement des familles, même s’il existe des divergences sur les solutions pour y
parvenir.Nous, le Collectif SDF/DAL/GPS demandons à ce que l’État s’engage à assumer les responsabilités qui lui incombent en matière d’hébergement et de logement, que nous soyons reçus à la table des négociations pour trouver des solutions et que nous puissions proposer notre projet que nous pensons réalisable. Dans le cas d’une fin de non recevoir, nous continuerons sans relâche notre lutte, nos réquisitions citoyennes jusqu’à ce que nous soyons entendus.
Il est donc grand temps de stopper la judiciarisation et la financiarisation concernant la précarité et toutes les problématiques
qui en découlent. De retrouver du bon sens et une approche humaine dans le traitement de la précarité tant au niveau local que national. Face à l’urgence, l’intolérable, l’inertie des pouvoirs publics, les fins de non recevoir, la répression, les expulsions, nous poursuivrons notre lutte jusqu’à ce nous soyons entendus et reçus.
Photo DP/ »The Kid » de et avec Charlie Chaplin et Jackie Coogan