A quelques semaines de la décision des juges d’appel du procès AZF, le journal Sud Ouest fait état de « révélations » dans le drame du 21 septembre 2001. Plus de 10 ans après l’explosion qui a provoqué la mort de 31 personnes et causé de nombreux dégâts dans la ville rose, une nouvelle thèse surgit faisant état de deux explosions et de bombes enfouies sous le site AZF. Des « révélations » vivement critiquées par l’avocat Christophe Lèguevaques qui rappelle que les longs débats judiciaires ont écarté cette position.
Toulouse 7 – Vous êtes l’avocat de la ville de Toulouse, comment réagissez vous aux révélations publiées par le journal SUD OUEST selon lesquelles l’explosion de l’usine AZF aurait été précédée d’une première explosion sur le site de la SNPE puis provoqué des vibrations faisant exploser d’anciens bombes remontant à la 2e guerre mondiale ?
Christophe LEGUEVAQUES (CLE) : D’abord ce ne sont pas des révélations. Cette question est en débat depuis plus de 10 ans. Elle a fait l’objet d’une instruction, d’expertises variées et de neuf mois de débats contradictoires devant le tribunal puis devant la cour d’appel. Il a été scientifiquement démontré que l’explosion du hangar 221 a entrainé une onde sismique détectée, dont l’analyse permet d’affirmer qu’il n’y a eu qu’une seule explosion. Loin de moi l’idée de mettre en doute la parole des nombreux toulousains qui ont entendu deux bruits. Mais, malgré ces 2 bruits, il n’y a eu qu’une seule explosion. Rien de mystérieux dans tout cela. Cette différence s’explique par la vitesse de propagation de l’onde : plus la matière dans laquelle l’onde circule est dense, plus sa vitesse de propagation est importante. Autrement dit, dans la terre et la pierre, la vitesse peut dépasser 3000 m/s lorsque dans l’air la vitesse n’est que de l’ordre de 300 m/s. Ce qui fait que certains ont pu sentir d’abord la terre trembler et ensuite entendre le bruit de l’explosion.
Quant à l’existence de bombes datant des bombardements de 1944, cela ne correspond ni aux archives des bombardements qui ont été disséqués par les experts, ni aux éléments matériels qui ont pu être longuement analysés. Aucun résidu d’explosif de quelque nature que ce soit n’a été retrouvé, aucun élément de la moindre bombe n’a pu découvert. Que la bombe date de 1944 ou de 2001 puisque parmi les théories complotistes véhiculées par certains journaux et magazines, certains sont même allés jusqu’à inventer une bombe terroriste…
Toulouse 7 – On nous dit que le site de la SNPE étant classé « secret défense », aucune enquête sérieuse n’a pu être diligentée.
CLE – On voit bien que dans d’autres affaires, le secret défense n’est pas un obstacle infranchissable. La vérité est ailleurs. Depuis le début, la stratégie de la défense consiste à semer, à créer, à générer le doute pour mieux s’en prévaloir. C’est ce que j’ai dénoncé dans ma plaidoirie. C’est une stratégie classique. Si le procès a mis en évidence un secret bien gardé c’est celui que le groupe industriel avait demandé au CNRS de Poitiers. Il s’agissait alors de tester la piste du mélange chimique (Ammonitrate + DCCNA en présence d’eau) dès 2002. Or quand les conclusions de cette étude scientifique sont arrivées, l’industriel les a volontairement dissimulées en ne les transmettant pas à la justice. Pourquoi ? Parce que tout simplement 3 ans avant les expertises judiciaires, le CNRS démontrait qu’un tel mélange était férocement explosif.
Toulouse 7 – Pourquoi un tel remue ménage à présent ?
CLE – c’est l’éternelle tactique de la diversion, de l’enfumage. Le groupe industriel anticipe une condamnation. Le thème général est « c’est pas nous, c’est pas nous ». Tout cela n’est pas sérieux et ne résiste pas à un examen rationnel, scientifique du dossier. Nous sommes dans la période du délibéré. Nous devons respecter le temps de réflexion de la justice et arrêter de la bombarder d’intuitions et de fausses pistes. Les débats sont clos. La cour d’appel réfléchit et rédige son arrêt. Nous serons fixés le 24 septembre 2012. Alors patience. Et Comme le disait Alfred Musset, « l’homme sans patience est comme une lampe sans huile »
Photo Photo CC/Anton Merlina Bonnafous/Toulouse7.com : Tour de l’usine AZF de Toulouse