Un groupe d’experts indépendants de l’ONU sur l’indépendance des juges et les disparitions forcées ont exprimé mercredi leur préoccupation concernant le procès contre le juge espagnol Baltasar Garzon accusé d’avoir dépassé les limites de son mandat lorsqu’il a enquêté sur plus de 100.000 cas de disparitions forcées qui auraient eu lieu pendant la guerre civile espagnole et sous le régime de l’ancien dictateur Francisco Franco, de 1936 à 1951.
Le juge Garzon est inculpé pour avoir « sciemment dépassé sa juridiction » en acceptant les plaintes déposées par des proches des victimes des disparitions forcées et pour avoir ouvert une enquête dans cette affaire.
« Il est regrettable que le juge Garzon puisse être sanctionné pour ouvrir une enquête qui est cohérente avec les obligations de l’Espagne d’enquêter sur les violations des droits de l’homme selon les principes du droit international », a indiqué la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, dans une déclaration commune du groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées et involontaires qui comprend cinq experts indépendants.
Les cas pour lesquels le juge Garzon a ouvert une enquête seraient irrecevables à cause d’une loi d’amnistie espagnole qui a été introduite suite à la mort de Franco et à cause de la prescription. La semaine dernière, la Cour suprême espagnole a rejeté une requête demandant le rejet des accusations contre le juge Garzon. « Pour maintenir le respect des lois, il faut un engagement inconditionnel envers la justice et les droits de l’homme. Dans le contexte d’un respect total de l’indépendance et d’autonomie du judiciaire, des erreurs supposées dans les décisions juridiques ne devraient pas constituer une raison de retirer un juge et encore moins de lancer une procédure pénale », a déclaré Mme Knaul.
« L’autonomie dans l’interprétation de la loi est un élément fondamental du rôle d’un juge et du renforcement du respect des droits de l’homme », a-t-elle souligné.
Le groupe de travail a pour sa part souligné que les disparitions forcées et les violations des droits de l’homme sont des infractions qui persistent tant que le sort des victimes reste incertain. « La réconciliation entre l’Etat et les victimes des disparitions forcées ne peut se faire sans une clarification de chaque cas individuel, et la loi d’amnistie ne peut pas enlever la responsabilité de l’Etat d’enquêter, de poursuivre et de punir ceux qui sont coupables des crimes de disparitions forcées », a rappelé le groupe de travail dans la déclaration.