Avocat au barreau de Paris, docteur en droit, Christophe Lèguevaques s’est spécialisé ces dernières années dans le droit des catastrophes et les risques collectifs. Il intervient notamment dans les dossiers de l’accident d’un avion d’Air Vietnam, de l’affaire sur-irradiation du CHU de Toulouse (145 personnes ont reçu des surdoses après un mauvais paramétrage d’un accélérateur de particules) et dans le dossier AZF, cet accident industriel d’une usine chimique du groupe TOTAL (2001) et qui revient en appel en septembre 2011. Il nous livre le fruit de son expérience
Toulouse7.com – Quel premier conseil donneriez vous aux victimes du MEDIATOR ?
Christophe Lèguevaques – Avec le dossier MEDIATOR/ISOMERIDE, on peut regretter la couardise du pouvoir politique qui a toujours refusé l’instauration en France d’une procédure de « class action », d’action collective comme celle qui existe aux USA ou au Canada. Ce type d’action simplifie la vie des victimes et concentre les demandes devant un seul tribunal. Protection des victimes et bonne organisation de la justice sont pourtant des objectifs affirmés dans les discours, rarement dans les actes.
Il faut dire que ce dossier met en évidence les liens curieux qui peuvent exister entre un certain monde politique et le monde des laboratoires pharmaceutiques…
Faute d’outils de droit adéquat, les victimes doivent s’unir en créant une association. Compte tenu du grand nombre potentiel de personnes concernées, il pourrait être recommandé de former des associations régionales et de les fédérer dans une association nationale. L’ensemble pourrait ainsi devenir un interlocuteur « incontournable » des pouvoirs publics et pourrait mutualiser les coûts d’enquête et les frais de procédure.
Toulouse7.com Comment gérer un dossier aussi complexe ?
Christophe Lèguevaques – Comme dans le dossier des irradiés, il convient de distinguer l’indemnisation des victimes et la recherche de la vérité. C’est la raison pour laquelle, le Ministère de la Santé devrait créer une commission d’expertise et d’indemnisation (CEI). C’est ce que nous avions obtenu de haute lutte pour les irradiés avec un certain succès puisque les premières indemnisations significatives ont été payés en 2010.
Regroupant l’Etat, les associations de victime, les laboratoires concernés et leurs assureurs, la CEI devrait mettre en place une solution amiable d’expertise et d’indemnisation au « bénéfice de qui il appartiendra ». Au cas par cas, les experts devront dire si le décès est imputable en tout ou partie aux MEDIATOR et devront proposer une indemnisation adéquate. En cas de désaccord, la victime peut toujours se tourner vers la justice.
Comme ce dossier met en évidence un comportement plein d’avidité et d’arrogance de la part du fabricant de ce médicament, il conviendrait qu’il contribue à hauteur de 80 % dans le financement de ce fonds. Pour autant, on ne peut pas dédouaner complétement l’Etat et ses différents services ou agences qui ont eu des indulgences coupables. C’est pour cela que l’Etat devrait financer également ce fonds d’indemnisation.
Dans le cadre de l’enquête judiciaire confiée à un juge d’instruction, seul garant de son indépendance, toutes les responsabilités doivent être analysées.
Toulouse7.com – Pensez-vous que la réponse judiciaire sera suffisante ?
Christophe Lèguevaques – Il est tout à fait remarquable que la représentation nationale mène sa propre enquête pour comprendre pourquoi alors que, des signes avant-coureur d’une catastrophe sanitaire étaient connus, depuis 2004, les services de l’Etat ont laissé continuer la commercialisation de ce médicament qui s’avère mortel.
Le cas échéant et si des éléments suffisants sont découverts, il convient de réserver la possibilité de saisir contre les ministres de la Santé successifs la Cour de justice de la République, comme cela fut le cas dans l’affaire du « Sang contaminé ». Enfin, il faut que les spécialistes du médicament tirent toutes les leçons de cette affaire : tant dans le contrôle des médicaments mis sur le marché, que sur la formation continue des médecins, le rôle des visiteurs médicaux ou encore la lutte contre les conflits d’intérêts directs ou indirects.
A noter à Toulouse une Conférence du GREP consacrée à l’affaire du Mediator ce Vendredi 4 mars 20h30 à l’Ecole Supérieure de Commerce (ESC Toulouse) avec Irène Frachon Entrée 5 euros/2 euros renseignement inscription 0561136061
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