Le deuxième procès de la catastrophe de l’usine AZF s’ouvrira le 3 novembre prochain. L’avocat Christophe Lèguevaques suit le dossier depuis de nombreuses années. Il a accepté de répondre à nos questions.
Toulouse7.com – Un deuxième procès AZF 10 ans après la catastrophe, la justice n’est elle pas trop lente ?
Christophe Lèguevaques – Le temps de la justice n’est pas le temps de la vengeance. Aux USA, les crimes sont punies dans l’année où ils sont commis et nombreux sont les innocents qui sont condamnés à mort. Il faut savoir respecter le temps judiciaire.
Mais, indiscutablement, 10 ans c’est trop long, surtout que les éléments matériels ont pu être corrompu –volontairement ou pas- dans les six mois qui ont suivi l’explosion.
Pour expliquer cette durée, il faut bien comprendre deux idées qui s’entretiennent : d’une part, cette explosion est complètement inédite, il a donc fallu découvrir les causes profondes du concours de circonstance qui a conduit au drame. D’autre part, toute la stratégie de l’industriel a consisté à inventer des fausses pistes, à pinailler sur les expertises, à exiger que des contre expertises soient réalisées, à décrédibiliser les experts mandatés par la justice pour encenser les experts privés payé par l’industriel. Si la procédure d’instruction a été si longue (7 ans), c’est essentiel du fait de l’industriel qui espérait que les victimes se lasseraient et que les preuves disparaitraient…
Toulouse7.com – Quel sera l’enjeu de ce deuxième procès ?
Christophe Lèguevaques – L’enjeu du second procès est d’achever l’énorme travail déjà réalisé au cours des 4 mois d’audience de 2009. Pour faire simple, le tribunal nous a dit : il est évident que les conditions de sécurité de cette usine n’étaient pas respectées, mais j’ai un doute, infime, sur les causes de l’explosion. Je n’arrive pas à être sûr à 100 % donc je ne peux pas condamner. Tout l’enjeu du procès est donc d’apporter le grain de riz ou d’ammonitrate qui permettra à la balance de la justice de pencher du coté de la culpabilité de l’industriel et du directeur du site.
Toulouse7.com – En première instance, le tribunal n’avait pas établi de « lien de causalité certain » entre les fautes et le dommage, quels arguments pourraient entraîner une nouvelle décision ?
Christophe Lèguevaques – Nous sommes en train d’y travailler et je préfère garder cela pour le tribunal. Tout au plus, peut on remarquer une contradiction dans l’analyse du tribunal : dans un premier temps, le tribunal considère que l’industriel a menti, a dissimulé des preuves ou induit volontairement les enquêteurs vers des fausses pistes. Mais il n’en tire aucune conséquence lorsqu’il apprécie le lien de causalité. Lorsque le prévenu a directement ou indirectement rendu plus difficile l’établissement du lien de causalité entre la faute et le dommage, le tribunal doit en tenir compte.