Pour leur 170ème anniversaire, la grande maison d’édition toulousaine Privat a proposé à Claude Nières de réécrire son histoire à travers un ouvrage complet … peut être trop ! Présenté comme « Privatologue » par Philippe Terrancle, directeur délégué de la maison, ce professeur en sciences humaines est publié par Privat depuis 1982.
Une grande histoire d’amour. Avec Privat histoire d’une maison toulousaine, Claude Nières a souhaité « remercier » ses éditeurs, « je leur devais bien ça ». Le défi : séparer l’ennui de l’Histoire.
« Il a le don de rendre accessible ce qui peut nous laisser indifférent », annonçait Philippe Terrancle.
Résultat : une lecture parfois ardue pour tous les lecteurs non »privatologues ». L’ouvrage rassemble la totalité des événements marquants de l’institution toulousaine : sa naissance, ses successions, ou encore ses conflits.
Ce qui ne devait être qu’une « plaquette » est devenu une saga de…228 pages. La recherche et l’acquisition des informations sont titanesques, l’historien est devenu un véritable collectionneur de données « Privat ». « Il m’a fallut deux ans pour réunir tous ces renseignements ». Mais si la richesse informationnelle du livre est bien là, l’ennui s’engouffre rapidement à travers les pages. La nature de ce type d’ouvrage reprend le dessus.
La précision universitaire au service de la mémoire
Un historien qui raconte l’Histoire a une sorte de reflexe : éplucher, préciser, pointer, etc. Un art qui n’appartient qu’aux « jardiniers de l’intelligence humaines » disait Victor Hugo en parlant de ces mémorialistes. Ce travail autant honorable que laborieux est bien souvent soporifique. Claude Nières n’a pas su (re)donner vie à l’Histoire de Privat : angle économique, données chronologiques et phrases kilométriques. La magie ne prend pas.
L’absence de photos est tout aussi regrettable. 170 ans de vie pour une maison d’édition, c’est long : c’est l’une des plus vieilles de France. On aurait voulu voir des visages. Rien. Pas même sur l’arbre généalogique de dernière page.
Fondée en 1839 par un fils de menuisier, Edouard Privat, la maison d’édition a pourtant tout d’une légende. Si nous avions eu aucune image de la Seconde Guerre mondiale, des camps de concentration, d’Hitler, ou du débarquement, la mémoire aurait-elle été autant présente dans le temps ? En valorisant une anecdote ou une personnalité le livre aurait eu davantage d’impact sur le lecteur. L’objectif : se détacher des données officielles (dates,chiffres..).
Le livre : un bouclier contre la crise
Claude Nières retrace la grande aventure d’une famille avec celle du livre. Si cette chronique ne rend pas totalement grâce à l’éclat d’une telle histoire, on décèle entre les lignes une chose plus importante : l’amour du livre. Et les liens tissés entre les Hommes et les livres ne prennent pas une ride avec les années.
Alors que la France traverse un paysage économique sombre, le livre semble être un rempart. « IL devient une nécessité quotidienne », explique Philippe Terrancle. Le domaine de l’édition se porte bien. Même “franchement bien”, reconnaît-il « Le premier trimestre a été encourageant avec un taux de retour des ouvrages publiés de 31%, alors que la moyenne annuelle est de 39%. Notre faible production ces derniers temps est liée à l’incertitude vis-à-vis de notre distribution. Mais nous venons de renouveler notre contrat avec la Sofédis pour trois ans. « souligne-t-il. Un nombre de lecteurs en évolution qui pourrait donner du succès à Privat histoire d’une maison toulousaine. Un pronostic ? « J’espère arriver à 5.500 exemplaires » confie Claude Nières. « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait un homme politique français (Edouard Herriot) dans les terribles années 1930.
Oïhana Igos