C’est le procès d’un symbole qui s’est déroulé mardi au tribunal correctionnel de Toulouse. Sept jeunes gens ont sorti plusieurs chariots de nourriture pour la redistribuer gratuitement aux nécessiteux.
Le 11 mars dernier, Hugo, Benjamin, Nora, Mylène, Andy, Antoine et Elodie ont chacun sorti un chariot rempli de victuailles du magasin Casino de l’avenue Honoré-Serres. Ils faisaient parti d’un groupe d’une cinquantaine de personnes venues ici en commando organiser pour être le plus efficace possible en un minimum de temps. En 4 minutes, sept chariots sont sortis du supermarché et commencent à être distribués à des quidams sur la place Arnaud Bernard. Leur but était d’atteindre la place du Capitole, mais ils n’en n’ont pas eu le temps. La police les arrête à la place Saint Sernin, et cible les sept pousseurs de chariots, qui ne sont en fait pas les organisateurs du mouvement.
la propriété Quelle sanction ?
Un groupe de personnes attendait à l’extérieur du palais, en soutiens aux jeunes gens. La sécurité veillait au grain mais l’ambiance était sereine, tout comme à l’intérieur du prétoire. Le ton de l’audience était donné par le président du tribunal : « S’il n’y a pas de réponse à ce type de comportement, c’est la porte ouverte à n’importe quoi ». Une sanction est nécessaire, mais il s’agit maintenant de décider laquelle. L’avocate de la partie civile dit des accusés qu’ils sont « manipulables, crédules» et que « sur les images de vidéo surveillance on a pu voir des meneurs de 35 à 40 ans qui poursuivent un autre but, moins louable que les idéaux de ces jeunes gens. Ce sont eux les meneurs. »
Le procureur lui non plus n’est pas dupe, il a compris que ce geste était celui « de jeunes naïfs » qui ne voyaient que le symbole dans ce qu’ils faisaient. Et pour leur « fournir un complément de maturité », il propose un ajournement de la décision de justice « pour apprécier si dans un délai d’un an, ils ont montré une volonté de reclassement. »
Sans travail et Sans domicile fixe
Mais tour à tour, les sept inculpés expliquent aux magistrats qu’ils ne regrettent pas le fond de leur action. Si certains comme Hugo regrettent la forme qu’elle a prise, d’autres comme Nora assument : « Cette action était symbolique et légitime car de plus en plus de personnes se retrouvent sans rien à manger. » Quand le président demande à qui elle comptait redistribuer le butin, elle dit simplement « aux SDF dans la rue. Et le reste ?, relance le juge. Il y en a déjà beaucoup dehors, répond l’accusée. » Et la salle de rire. Antoine, lui est directement concerné : « J’ai fait ça parce que je suis SDF et sans travail. Je ne regrette pas. »
Les avocats Me Heybert et Me Zapata restent sur la même longueur d’ondes que leurs clients : « Ce n’est pas une simple infraction pénale, c’est une action politique qui heurte peut-être un raisonnement classique mais qui n’en a pas moins de valeur. » déclare le premier. L’autre conseil des jeunes prévenus ajoute : « Il y a deux ans, un sujet du bac philo posait la question : Toute action illégale est-elle forcément injuste ? » C’est à cette question que les magistrats doivent apporter une réponse, mesurée si possible. Pour cela, ils se donnent le droit de réflexion jusqu’au 17 novembre, date à laquelle sera délivré le verdict.
Walid Hamadi