La Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’alarme de nouveau des tensions et des violences récentes en Égypte, déclenchées par le projet controversé de constitution.
« Le manque de participation de l’ensemble des parties prenantes à l’élaboration du texte est un sujet de préoccupation majeur et l’une des raisons principales de la situation désastreuse que travers le pays depuis quelques semaines », a déclaré vendredi Navi Pillay.
« C’est la dernière chose dont l’Égypte avait besoin dans une période de transition si délicate, mais je crois que les gens ont le droit d’être très préoccupés – par seulement par la manière dont le processus constitutionnel a été court-circuité, mais aussi par la présence d’un certain nombre d’éléments dans le texte comme par l’absence d’un certain nombre d’autres. »
Sept personnes auraient été tuées et des centaines d’autres blessées cette semaine dans des combats entre partisans et opposants du Président égyptien, Mohamed Morsy. Des milliers de manifestants seraient de nouveau descendus dans les rues aujourd’hui.
Mme Pillay a salué l’appel lancé jeudi par M. Morsy au dialogue, regrettant toutefois qu’il n’y ait pas eu de remaniements significatifs du projet de constitution, qui sera soumis à référendum le 15 décembre, même si le Vice-président égyptien, Mahmoud Mekki, a annoncé aujourd’hui son possible report.
« La hâte avec laquelle l’Assemblée constituante a adopté le texte final pour présentation au Président soulève des questions quant à la crédibilité du processus et contribue au chaos au Caire et dans d’autres villes », a-t-elle estimé, appelant à des mesures de rétablissement de la confiance.
Le projet, a reconnu la Haut Commissaire, contient des éléments positifs importants, comme la limitation de la présidence à deux mandats de quatre ans et le droit de fonder des associations et des institutions civiles.
référence aux traités internationaux des droits de l’homme
« Toutefois, il pêche par de graves omissions et ambigüités et certaines de ses dispositions sont plus faibles que celles de la Constitution de 1971 qu’elle est destinée à remplacer. »
« Je suis très inquiète, par exemple, de l’absence, dans le projet actuel, de la moindre référence aux traités internationaux des droits de l’homme auxquels l’Égypte est partie et qu’elle est tenue de respecter. »
L’Égypte est partie à sept de ces traités, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Mme Pillay a également regretté que le projet de constitution se réfère régulièrement à la législation en vigueur, qui pourrait être contraire aux normes internationales des droits de l’homme. En outre, si le texte garantit l’égalité devant la loi de tous les citoyens, la Haut Commissaire note qu’il n’interdit pas explicitement la discrimination sur la base du sexe, de la religion et de l’appartenance ethnique, et maintient que la charia –la loi islamique – doit constituer la principale source d’inspiration de la législation et de la jurisprudence.
« Le projet de constitution garantit aussi la liberté de conviction, mais mentionne seulement les trois religions monothéistes, soulevant des préoccupations pour tous les autres groupes religieux, notamment des minorités comme la communauté Baha’i », observe la Haut Commissaire.
Alors que la liberté de la presse est garantie en théorie, des limitations s’appliquent aussi s’agissant du respect de la vie privée et de la sécurité nationale. La censure est interdite, sauf en temps de guerre ou de mobilisation des forces armées. Toutefois, le rôle du Conseil national des médias dans la règlementation de la profession pourrait s’avérer problématique, a noté Mme Pillay.
Parmi les autres réserves de la Haut Commissaire, figurent les exceptions s’appliquant au procès de civils devant les tribunaux militaires et l’impossibilité de destituer les juges de la Cour suprême constitutionnelle.