Opinion – Réforme de la fiscalité locale: les Départements dans le couloir de la mort par Christophe Ramond Président du Conseil départemental du Tarn
Après avoir décidé la suppression de la taxe d’habitation, le Gouvernement a récemment annoncé une réforme de la fiscalité locale pour 2019. Pour les Départements, la perte de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) devrait être compensée par une fraction d’impôt national (TVA ou CVAE). Cette réforme va condamner nos territoires en asphyxiant financièrement les Départements. Nous n’aurons plus la possibilité de voter un taux de fiscalité. Nous perdrons la maitrise de nos recettes.
L’Etat remet donc en cause la Décentralisation en portant atteinte à l’autonomie financière et fiscale des collectivités, en opposant les métropoles aux campagnes et en programmant à terme la disparition des collectivités de proximité.
Ce projet de réforme traduit un sentiment d’abandon et de mépris de nos territoires par un pouvoir qui, depuis Paris, se coupe des réalités. L’Etat demeure sourd aux appels de la province.
Pourtant, le Département est aujourd’hui un maillon essentiel dans l’organisation du territoire : collèges, routes, soutien aux personnes âgées et handicapées, insertion, protection de l’enfance, haut débit … Le Département assure sa part en matière de services et d’équipements publics.
Avec nos investissements, nous sommes également le premier soutien des Communes et des Intercommunalités. Dans le Tarn, plus de 250 projets vitaux pour notre territoire ont été soutenus en 2017 : écoles, maisons de retraite, équipements sportifs et culturels…
Pour pouvoir mener ces politiques publiques ambitieuses, nous avons besoin d’une vraie autonomie financière et d’un vrai levier fiscal nous permettant de nous projeter dans l’avenir.
Cela suppose de :
– Garantir aux collectivités territoriales la liberté de faire varier à la hausse ou à la baisse leurs ressources fiscales afin de permettre l’accès de tous aux services publics, la solidarité envers les plus fragiles et la modernisation de notre pays.
– Maintenir le lien entre fiscalité et territoire. Le pouvoir du vote des taux nous permettait de faire face à une soudaine hausse de nos dépenses non compensées par l’Etat, en particulier dans le domaine social, RSA, APA, handicap et MNA, dont le seul reste à charge pour le Conseil Départemental du Tarn est de plus de 60 millions d’euros !
– Préserver le lien entre le citoyen-contribuable, son lieu de vie et les services qu’il reçoit. Nos concitoyens sont juges tous les 6 ans lors des élections de la bonne ou de la mauvaise utilisation des deniers publics locaux.
L’Etat, sous couvert de justice fiscale, préfère supprimer un impôt qui ne lui appartient pas plutôt que de remédier aux défauts de ses propres ressources.
Il doit maintenant faire preuve de responsabilité et ne pas monter les collectivités les unes contre les autres.
Il doit être cohérent dans son ambition de justice fiscale et mettre enfin en chantier la révision des bases de la TFPB. Les bases de cet impôt sont assises sur les valeurs locatives cadastrales définies à la fin des années 60. Or, de trop nombreux quartiers populaires tels que Cantepau à Albi où du Mirail à Toulouse sont considérés comme résidentiels, alors que les centres-villes n’ont pas été réévalués.
Cette injustice n’est toujours pas réglée depuis 40 ans. Elle sera même renforcée avec le transfert intégral de cet impôt au bloc communal.
Si cette réforme devait être appliquée en l’état, ce serait là, un coup de grâce pour les Départements.
Nous attendons une vraie réforme de la fiscalité locale favorisant la spécialité des impôts, la responsabilité, l’équité et la péréquation financière afin de corriger les inégalités de richesse entre nos territoires.
Notre République s’est construite en rapprochant l’action publique des réalités quotidiennes.
Lorsque je considère le bricolage de ces derniers mois et que je me remémore l’essence de la décentralisation de 1982, la suppression de la tutelle de l’Etat, la libre administration et la garantie d’une autonomie financière et fiscale accordées aux collectivités locales, j’éprouve de la colère et de l’amertume liées à la méconnaissance du territoire par le Gouvernement.
Je crois profondément dans les vertus de la décentralisation de 1982. L’œuvre de Gaston Deferre était exemplaire. Le Gouvernement serait bien inspiré de se remémorer ses lois fondatrices.
Respecter la Décentralisation, c’est s’inscrire demain encore plus dans la proximité, le dialogue et la modernité.
Nos territoires ruraux ont besoin des départements.
Les Départements ne sont pas les adversaires de l’État mais en tant qu’élu, acteur du territoire, je m’élève avec force pour défendre mon Département qui représente la collectivité des solidarités et de l’équilibre des territoires.