L’UNESCO a inscrit 19 sites au Patrimoine mondial, dont la chaîne des Puys dans la région Auvergne, en France. Elle a aussi décidé l’extension d’un site naturel existant.
Le Comité du patrimoine mondial est réuni depuis le 24 juin à Manama (Bahreïn), sous la présidence de Sheikha Haya Bint Rashed al-Khalifa. Cette session se poursuit jusqu’au 4 juillet. Le Comité a aussi inscrit le site des Parcs nationaux du Lac Turkana, au Kenya, sur la liste du patrimoine mondial en péril, en raison notamment de l’impact d’un barrage sur le site.
La Liste du patrimoine en péril est conçue pour informer la communauté internationale des conditions menaçant les caractéristiques mêmes qui ont permis l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial (conflits armés, catastrophes naturelles, urbanisation sauvage, braconnage, pollution…) et pour encourager des mesures correctives.
Les nouveaux sites sur la Liste du patrimoine mondial sont :
Sites culturels :
Göbekli Tepe (Turquie) – Situé dans la chaîne montagneuse du Germuş en Anatolie du sud-est, ce site présente des structures mégalithiques monumentales de forme circulaire et rectangulaire, interprétées comme des enceintes, qui ont été érigées par des groupes de chasseurs-cueilleurs du Néolithique précéramique entre 9600 et 8200 avant notre ère. Ces monuments ont sans doute été utilisés dans le cadre de rituels, probablement funéraires. Des piliers caractéristiques en forme de T sont sculptés d’animaux sauvages qui donnent un aperçu de la vision du monde et des croyances des populations vivant en Haute Mésopotamie il y a environ 11.500 ans.
Cathédrale de Naumburg (Allemagne) – Située dans la partie orientale du bassin de Thuringe, la cathédrale de Naumburg, dont la construction a commencé à partir de 1028, est un témoignage exceptionnel de l’art et de l’architecture du Moyen Age. Sa structure romane flanquée de deux choeurs gothiques témoigne d’un style de transition entre la fin du style roman et le début du gothique. Le jubé ouest, qui date de la première moitié du XIIIe siècle, reflète des changements dans la pratique religieuse et l’inclusion de la science et de la nature dans les arts figuratifs. Ce jubé ainsi que les sculptures grandeur nature des fondateurs de la cathédrale sont des chefs d’oeuvre de l’atelier connu sous le nom de « maître de Naumburg ».
Ivrée, cité industrielle du XXe siècle (Italie) – Située dans la région du Piémont, la cité industrielle d’Ivrée s’est développée comme le terrain d’expérimentation d’Olivetti, fabricant de machines à écrire, calculatrices mécaniques et ordinateurs de bureau. Elle comprend une grande usine, des bâtiments administratifs ainsi que des édifices consacrés aux services sociaux et au logement. Conçu par des urbanistes et des architectes italiens de premier plan, essentiellement entre les années 1930 et les années 1960, cet ensemble architectural reflète les idées du Mouvement communautaire (Movimento Comunità). Projet social exemplaire, Ivrée exprime une vision moderne de la relation entre la production manufacturière et l’architecture.
Ville califale de Medina Azahara (Espagne) – La ville califale de Medina Azahara est un site archéologique d’une ville édifiée au milieu du Xe siècle par la dynastie des Omeyyades comme siège du califat de Cordoue. Après avoir prospéré quelques années, elle fut mise à sac durant la guerre civile qui mit fin au califat en 1009-1010. Les vestiges furent oubliés pendant près de 1000 ans, jusqu’à leur découverte au début du XXe siècle. Cet ensemble urbain complet comprend des infrastructures telles que des routes, ponts ou systèmes hydrauliques, des bâtiments, des éléments de décoration et des objets du quotidien. Il apporte une connaissance approfondie de la civilisation islamique occidentale d’Al-Andalus, aujourd’hui disparue, au sommet de sa splendeur.
Aasivissuit-Nipisat. Terres de chasse inuites entre mer et glace (Danemark) – Se trouvant au nord du cercle arctique dans la partie centrale de l’ouest du Groenland, le site contient des vestiges de 4200 ans d’histoire humaine. Les populations ont façonné un paysage culturel fondé sur la chasse aux animaux marins et terrestres, les modes saisonniers de migration et un patrimoine culturel immatériel riche et préservé, lié notamment au climat, à la navigation ou à la médecine. Parmi les caractéristiques du site figurent de grandes maisons d’hiver et des traces de chasse au caribou ainsi que des gisements archéologiques des cultures paléo-inuite et inuite. Ce paysage culturel est présenté au travers de sept localités importantes, de Nipisat à l’ouest à Aasivissuit près de la calotte glacière, à l’est. Il démontre la persistance des cultures humaines de cette région et leurs traditions de migrations saisonnières.
Ensemble archéologique frontalier de Hedeby et du Danevirke (Allemagne) – Hedeby est un site archéologique comprenant les vestiges d’un emporium -ou ville commerciale- contenant des traces de rues, de bâtiments, de cimetières et d’un port qui remontent au Ier et au début du IIe millénaire de notre ère. Il est entouré par une partie du Danevirke, une ligne de fortification traversant l’isthme du Schleswig, qui sépare la péninsule du Jutland du reste de l’Europe continentale. En raison de sa situation unique entre l’Empire franc au sud et le royaume danois au nord, Hedeby devint une plaque tournante entre l’Europe continentale et la Scandinavie et entre la mer du Nord et la mer Baltique. En raison de son matériel archéologique riche et bien conservé, le site est essentiel pour l’interprétation des évolutions économiques, sociales et historiques en Europe à l’ère viking.
Ensembles néo-gothique victorien et Art déco de Mumbai (Inde) – Devenue un centre de commerce d’envergure mondiale, la ville de Mumbai a connu un ambitieux projet d’urbanisme durant la deuxième moitié du XIXe siècle. Il s’est traduit par l’édification d’ensembles de bâtiments publics construits dans le style néo-gothique victorien, puis, au début du XXe siècle, par un groupe d’édifices Art déco autour de l’espace vert de l’Oval Maidan. L’ensemble victorien intègre des éléments indiens destinés à répondre au climat local, comme des balcons et des vérandas. Les bâtiments Art déco, avec leurs salles de cinéma et immeubles d’habitation, mélangent la conception indienne et l’imagerie Art déco, créant un style unique appelé plus tard Indo-Deco. Ces deux ensembles témoignent des phases de modernisation que Mumbai a traversées au cours des XIXe et XXe siècle.
Paysage archéologique sassanide de la région du Fars (République islamique d’Iran) – Situés dans le sud-est de la province iranienne du Fars, ces huit sites archéologiques se trouvent dans trois zones géographiques : Firouzabad, Bishapour et Savestan. Ces structures fortifiées, palais et plans urbains remontent aux premiers et derniers moments de l’Empire sassanide, qui s’étendait dans la région entre 224 et 658 apr. J.-C. Les sites comprennent notamment la première capitale du fondateur de la dynastie, Ardachir Papakan, ainsi qu’une ville et des structures architecturales de son successeur, le roi Shapur Ier. Ce paysage archéologique, qui s’appuie sur une exploitation optimale de la topographie naturelle, témoigne de l’influence des traditions culturelles achéménides et parthes et des échanges avec l’art romain qui eurent un impact important sur l’architecture de la période islamique.
Sites chrétiens cachés de la région de Nagasaki (Japon) – Situés dans la partie nord-ouest de l’île de Kyushu, les 12 éléments de ce site en série comprennent dix villages, le château Hara et une cathédrale, construits entre les XVIIe et XIXe siècle. L’ensemble reflète les plus anciennes activités des missionnaires et colons chrétiens au Japon : la phase de rencontre, la phase d’interdiction et de persécution de la foi chrétienne et la phase de revitalisation des communautés chrétiennes après la levée de l’interdiction en 1873. Ces sites apportent un témoignage unique sur la tradition culturelle particulière nourrie par les chrétiens cachés de la région de Nagasaki qui transmirent secrètement leur foi chrétienne pendant la période d’interdiction, du XVIIe au XIXe siècle.
Sansa, monastères bouddhistes de montagne en Corée (République de Corée) – Les Sansa sont des monastères bouddhistes de montagne disséminés dans les provinces méridionales de la péninsule coréenne. L’aménagement spatial des sept temples qui composent le site, fondés du VIIe au IXe siècle, présente des traits communs qui sont spécifiques à la Corée – le « madang » (cour ouverte) entouré de quatre bâtiments (salle du Bouddha, pavillon, salle de lecture et dortoir). Ils contiennent un grand nombre de structures, d’objets, de documents et de sanctuaires remarquables. Lieux sacrés, les monastères de montagne ont survécu jusqu’à nos jours en tant que centres religieux vivants, avec une pratique quotidienne de la foi.
Site archéologique de Thimlich Ohinga (Kenya) – Situé au nord-ouest de la ville de Migori, dans la région du lac Victoria, cet établissement fortifié en pierre sèche a probablement été construit au XVIe siècle de notre ère. L’Ohinga, forme d’établissement ou d’enceinte, semble avoir servi à assurer la sécurité des communautés et du bétail, mais définissait aussi des unités et relations sociales associées à des systèmes fondés sur la lignée. Thimlich Ohinga est l’enceinte traditionnelle existante la plus vaste et la mieux préservée. Il s’agit d’un exemple exceptionnel de cette tradition de construction massive en pierre sèche, caractéristique des premières communautés pastorales du bassin du lac Victoria, qui se perpétua du XVIe au milieu du XXe siècle.
Cité ancienne de Qalhât (Oman) – Le site, qui se trouve sur la côte est du sultanat d’Oman, comprend la cité ancienne de Qalhât, délimitée par des remparts intérieurs et extérieurs, ainsi que des zones en dehors des remparts où se situent des nécropoles. La cité était un port important de la côte orientale de l’Arabie, qui s’est développé du XIe au XVe siècle de notre ère sous le règne des princes d’Ormuz. Elle fournit des témoignages archéologiques uniques sur les échanges commerciaux entre la côte orientale de l’Arabie, l’Afrique de l’Est, l’Inde et jusqu’à la Chine et l’Asie du Sud-Est.
Oasis d’Al-Ahsa, un paysage culturel en évolution (Arabie saoudite) – Située dans la partie orientale de la péninsule arabique, l’oasis d’Al-Ahsa est un site en série qui comprend des jardins, des canaux, des sources, des puits, un lac de drainage, des bâtiments historiques, un tissu urbain et des sites archéologiques qui sont considérés comme représentant les traces d’une occupation humaine sédentaire dans la région du Golfe depuis la période néolithique jusqu’à nos jours. Cela se manifeste notamment par les forteresses historiques subsistantes, les mosquées, les sources, les canaux et autres dispositifs de gestion de l’eau. Avec ses 2,5 millions de palmiers, il s’agit de la plus vaste oasis au monde. Ce paysage géoculturel unique est aussi un exemple exceptionnel d’interaction humaine avec l’environnement.
Sites mixtes (naturel et culturel) :
Vallée de Tehuacán-Cuicatlán : habitat originel de Méso-Amérique (Mexique) – La vallée de Tehuacán-Cuicatlán, qui fait partie de la région méso-américaine, est la zone aride ou semi-aride la plus riche en biodiversité de toute l’Amérique du Nord. Composé de trois éléments – Zapotitlán-Cuicatlán, San Juan Raya et Purrón- ce site est l’un des principaux centres de diversification de la famille des cactus, très menacée au niveau mondial. La vallée abrite notamment les forêts de cactus tubulaires les plus denses de la planète, qui modèlent un paysage unique également composé d’agaves, de yuccas ou encore de chênes. Les traces archéologiques révèlent par ailleurs un processus d’évolution technique qui reflète la domestication précoce des végétaux. La vallée présente un système exceptionnel de gestion de l’eau constitué de canaux, de puits, d’aqueducs et de barrages qui sont les plus anciens du continent et ont permis la sédentarisation de communautés vivant de l’agriculture.
Pimachiowin Aki (Canada) – Paysage forestier traversé de rivières, émaillé de lacs, de zones humides et de forêts boréales, Pimachiowin Aki (« La terre qui donne la vie ») fait partie des territoires ancestraux des Anishinaabeg, un peuple autochtone vivant de la pêche, de la chasse et de la cueillette. Il englobe des portions de territoires de quatre communautés Anishinaabeg (Bloodvein River, Little Grand Rapids, Pauingassi et Poplar River). Il s’agit d’un exemple exceptionnel de la tradition culturelle Ji-ganawendamang Gidakiiminaan (« garder la terre ») qui consiste à honorer les dons du Créateur, respecter toute forme de vie et maintenir des relations harmonieuses avec autrui. Cette tradition se matérialise dans le paysage par un réseau complexe de sites de subsistance, de sites d’habitation, de routes et de sites cérémoniels, généralement reliés par des voies navigables.
Parc national de Chiribiquete – « La Maloca du jaguar » – (Colombie) – Situé dans le nord-ouest de l’Amazonie colombienne, le parc national de Chiribiquete est la plus grande zone protégée du pays. L’une des spécificités de ce parc est la présence de tepuys (mot d’origine amérindienne qui signifie « montagne »), des plateaux de grès aux parois abruptes qui dominent la forêt. Plus de 75.000 peintures, datées de 20.000 avant notre ère jusqu’à nos jours, figurent sur les parois de 60 abris sous roche qui bordent le pied de ces tepuys. Rattachées à un culte supposé du jaguar, symbole de pouvoir et de fécondité, elles représentent des scènes de chasse, de batailles, de danses ou de cérémonies. Les communautés autochtones, qui ne sont pas directement présentes sur le site, considèrent la région comme sacrée.
Sites naturels :
Montagnes de Barberton Makhonjwa (Afrique du Sud) – Ce site, qui se trouve au nord-est de l’Afrique du Sud, englobe 40% de la ceinture de roches vertes de Barberton, une des plus anciennes structures géologiques de notre planète. Les Montagnes de Barberton Makhonjwa représentent la succession de roches volcaniques et sédimentaires la mieux préservée datant de 3,6 à 3,25 milliards d’années, lorsque les premiers continents ont commencé à se former sur la terre primitive. On y trouve des brèches de retombée résultant des impacts de météorites formées juste après la fin du grand bombardement (4,6 à 3,8 milliards d’années) qui sont particulièrement bien préservées.
Fanjinshan (Chine) – Situé dans la chaîne de montagnes de Wuling, dans la province du Guizhou (sud-ouest de la Chine), Fanjinshan se caractérise par une amplitude altitudinale qui va de 2.570 à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui favorise l’existence de types de végétation et de relief très diversifiés. C’est une île de roches métamorphiques dans un océan de karst qui abrite encore de nombreuses espèces animales et végétales dont l’origine remonte au Tertiaire, il y a entre 65 millions et deux millions d’années. L’isolement a favorisé un haut degré de biodiversité avec des espèces endémiques, comme le sapin de Fanjinshan (Abies fanjingshanensis) et le rhinopithèque jaune doré du Guizhou (Rhinopithecus brelichi), ou menacées, comme la salamandre géante de Chine (Andrias davidianus), le porte-musc nain (Moschus berezovskii) ou le faisan vénéré (Syrmaticus reevesii). Fanjinshan abrite la forêt primaire de hêtres la plus vaste et la plus continue de la région subtropicale.
Haut lieu tectonique Chaîne des Puys – faille de Limagne (France) – Situé au centre de la France, le site comprend la longue faille de Limagne, l’alignement des volcans de la Chaîne des Puys et le relief inversé de la Montagne de la Serre. Il s’agit d’un élément emblématique du rift ouest-européen, créé dans le sillage de la formation des Alpes, il y a 35 millions d’années. Les caractéristiques géologiques du site démontrent comment la croûte continentale se fissure puis s’effondre, permettant au magma profond de remonter et entraînant un soulèvement de la surface. Le site illustre de manière exceptionnelle le phénomène de rupture continentale – ou rifting-, qui est l’une des cinq principales étapes de la tectonique des plaques.
Extension d’un site naturel existant :
Vallée de la rivière Bikine [extension de Sikhote-Aline centrale] (Fédération de Russie) – La Vallée de la rivière Bikine est une extension en série du site de Sikhote-Aline central, inscrit en 2001 sur la Liste du patrimoine mondial. Elle se situe à une centaine de kilomètres au nord du bien existant. L’extension présente une superficie de 1.160.469 ha, soit une superficie trois fois supérieure au site existant. Elle englobe les forêts sombres de conifères du Sud-Okhotsk et les forêts de conifères et de feuillus d’Asie de l’Est. La faune associe des espèces de la taïga et des représentants du sud de la Mandchourie. Elle comprend des espèces de mammifères remarquables telles que le tigre de l’Amour, le porte-musc, le glouton ou la zibeline.
Site inscrit sur la Liste du patrimoine en péril :
Parc nationaux du Lac Turkana (Kenya) – Plus salé des grands lacs d’Afrique, le Turkana est un laboratoire exceptionnel pour l’étude des communautés végétales et animales. Les trois parcs nationaux servent d’étapes aux oiseaux d’eau migrateurs et constituent d’importantes zones de reproduction pour le crocodile du Nil, l’hippopotame et différents serpents venimeux. Les gisements fossilifères de Koobi Fora, où l’on trouve de nombreux restes de mammifères, de mollusques et d’autres espèces, ont davantage contribué à la compréhension des paléoenvironnements que tout autre site sur ce continent.
Le Comité du patrimoine a exprimé sa préoccupation concernant les changements relatifs à l’hydrologie du bassin versant du lac Turkana, notamment les perturbations induites par le barrage éthiopien Gibe III sur le débit et l’écosystème du lac et le projet de développement sucrier Kuraz en Ethiopie qui constitue une autre menace pour le site. Le Comité a aussi évoqué les impacts potentiels du projet de corridor de transport reliant le port de Lamu, le Soudan du Sud et l’Éthiopie (LAPSSET). Le site des Parcs nationaux du Lac Turkana a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1997.