Jamais encore un jésuite n’avait été pape. Jamais le Caousou, imposant établissement sous tutelle jésuite à Toulouse, n’avait eu à se réjouir de la nomination à un tel poste de l’un des fils d’Ignace de Loyola, le fondateur. Aujourd’hui, avec l’avènement du pape François, c’est chose faite.
En 1540, naissent les jésuites, ordre religieux missionnaire, dont la véritable appellation est Compagnie de Jésus. Leur installation, à Toulouse, est rapide: en 1567, le premier collège jésuite s’installe dans l’hôtel particulier de Bernuy, là où se trouve, aujourd’hui, le lycée Pierre de Fermat. L’enseignement dispensé par les jésuites, considéré comme moderne à l’époque, rencontre un grand succès et les bâtiments sont agrandis.
Puis, les religieux subissent les attaques des jansénistes, des parlementaires et des philosophes… ils seront chassés de France en 1764 et devront quitter leurs deux cents collèges. À Toulouse, l’hôtel de Bernuy passe sous la dépendance de l’archevêché.
En 1850 est votée la loi Falloux, les jésuites ouvrent, dans la ville rose, derrière la basilique Saint-Sernin, le Collège Sainte-Marie. Les fils d’Ignace de Loyola renouent avec le succès et l’excellence et une classe préparatoire à Saint-Cyr est ouverte en 1868. Trois ans plus tard, c’est un cours préparatoire à Polytechnique que « les bons pères » mettent en place.
Le succès grandissant, il faut trouver plus grand, plus adapté… La propriété du chanoine de Vaillac, le Caousou, ferait bien l’affaire. On raconte que le 31 mais 1869, le Collège Sainte-Marie effectue un pèlerinage à Lourdes afin de demander à la Vierge que ledit chanoine accepte de vendre sa propriété. Ce sera chose faite le 31 juillet 1872 (jour de la Saint-Ignace de Loyola!). En remerciement, sans doute, à l’intercession de la vierge dans cette affaire, le collège est dédié à l’Immaculée conception. C’est la première fois dans le monde. Une inscription au fronton de la porte principale de la grande façade le rappelle: « Je suis l’Immaculée conception » et, chaque année, dès la rentrée, les petits 6e sont amenés à lire ces mots écrits dans la pierre lors d’une visite guidée de leur nouvel établissement.
En 1880, la loi Ferry ordonne aux jésuites de quitter l’enseignement. Jusqu’alors c’était uniquement des pères qui enseignaient et préparaient aux concours de Saint-Cyr, Centrale, Polytechnique, Forestière et Normale Sup; Les résultats tournaient autour de 75% de réussite.
Une société civile, dite « des pères de familles » rachète l’établissement et un laïc, M.Bastide continue l’œuvre engagée mais en supprimant quelques préparations. Les enseignants ne sont pas en nombre suffisant. En 1912, les élèves quittent le Caousou pour Saint-Stanislas et Saint-Louis de Gonzague.
La guerre arrive en 1914 et les locaux inhabités deviennent un hôpital.
En 1923, un collectif d’anciens élèves réussit à racheter le Caousou aux Domaines. L’enseignement reprend ses droits. Pas pour longtemps puisqu’en 1939 une partie des bâtiments est réquisitionné et devient Hôpital complémentaire.
Enfin, 1940 apporte la levée de la réquisition et une certaine sérénité.
En 1960, l’établissement passe un contrat avec l’Etat (loi Debré). Les lieux évoluent: des classes sont créées ainsi que des salles de sciences, un gymnase est construit et un self-service apparaît même en 1972. Le Caousou est entré dans l’ère de la modernité.
Le mercredi 2 avril 1986, un gigantesque incendie ravage les combles du Caousou, ne faisant, heureusement aucune victime, mais les dégâts matériels sont importants. Des travaux sont entrepris qui permettent la création de salles d’arts plastiques, d’une bibliothèque et d’une chapelle: Notre-Dame d’en-haut, la bien nommée.
Renouant avec son passé, des classes prépas ont été ouvertes, mais à Balma, sur le site de Saliège. Son engagement envers les défavorisés, lui, ne change pas. « La nomination d’un cardinal issu d’un pays émergeant prouve que l’Eglise n’est pas indifférente à l’état du monde, confie Olivier Surel, directeur de l’établissement, et nous nous inscrivons dans cette approche religieuse. » Quant à tirer un avantage direct de cette nomination, le directeur n’y croit pas: « Bien sûr, le Caousou n’est pas indifférent à la nomination d’un pape jésuite, mais ça ne va pas modifier notre manière de fonctionner. » D’ailleurs, il n’y a pas eu de communication officielle sur le sujet à destination des élèves, « on en a juste fait mention dans les groupes de Pastorale. »
En revanche, la pauvreté et la simplicité du nouveau souverain pontife ont de quoi ravir les établissements jésuites puisque, en effet, la tutelle de ces établissements est justement en train de mettre en place un projet qui devrait bientôt voir le jour: « Projet en faveur de la jeunesse défavorisée ». Un programme qui ne pourrait que satisfaire le Pape François.
Arielle MONTAUREL