Après plus de 10 ans de conflits, la République démocratique du Congo (RDC) a besoin d’un système judiciaire qui permette de juger les crimes perpétrés entre 1993 et 2003, a souligné vendredi la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, à l’occasion de la publication d’un rapport identifiant les plus graves violations des droits de l’homme dans ce pays pendant cette période.
21 groupes armés impliqués ainsi que les armées nationales de huit pays
« Le rapport traite de la RDC. Oui, il fait référence à la présence de forces étrangères qui ont été impliquées dans le conflit en RDC, et il fait le point sur la responsabilité de ces forces dans les violations des droits de l’homme. Cela suggère que d’autres pays ont un rôle à jouer dans la mise en oeuvre d’un processus de justice transitionnelle en RDC », a dit Navi Pillay.
« En ayant dit cela, c’est toujours principalement un rapport sur la RDC, l’immense souffrance de ce pays, et la capacité du système judiciaire à répondre à ces crimes », a t elle ajouté.
Le rapport de 550 pages liste 617 crimes les plus graves violant les droits de l’homme et le droit international humanitaire. La genèse du projet remonte à 2005 lorsque deux ans après l’accord de paix national, trois grands charniers ont été découverts à l’est du pays. Plusieurs organes de l’ONU se sont accordés pour lancer en 2006 l’exercice de ‘cartographie’ de ces crimes. Mené par le bureau du HCDH, ce travail avait pour objectif de « mettre un terme au cycle d’impunité en RDC », indique le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) par communiqué de presse.
Trente trois équipes d’experts ont parcouru tout le pays pour interroger plus de 1.280 témoins et examiner plus de 1.500 documents afin de corroborer les informations. Le rapport précise qu’au moins 21 groupes armés étaient impliqués dans ces crimes ainsi que les armées nationales de huit pays.
pas de responsable pénal individuel
« La violence en RDC était, en fait, accompagnée par une apparente utilisation systématique du viol et des agressions sexuelles par toutes les forces combattantes », indique le rapport. Les experts estiment que 30.000 enfants ont été recrutés ou utilisés par des forces ou des groupes armés pendant le conflit. Ils ont fait l’objet « de violences indescriptibles » comme le viol, la torture, les traitements dégradants et inhumains, la privation de leurs droits, le travail forcé et le meurtre.
« Si cette situation continue, il y a un risque qu’une nouvelle génération qui n’a rien connu de plus que la violence voit le jour, ce qui compromet les chances du pays pour atteindre une paix durable », expliquent les experts.
L’une des principales solutions consisteraient en l’implantation de juridictions mixtes, qui impliqueraient des « tribunaux hybrides » avec du personnel national et international. L’établissement d’une Commission vérité et réconciliation ainsi que la mise en oeuvre d’;un programme de réparations pour les victimes et les réformes du système judiciaire et des forces de sécurités congolaises constituent les autres politiques recommandées par le rapport.
Revenant sur la polémique qui a entouré la publication du rapport à cause des fuites de la version préliminaire parues dans le quotidien français Le Monde, Navi Pillay a estimé que cela avait entraîné une « focalisation intense sur un aspect » du rapport. Le fait que les forces armées rwandaises auraient perpétrées des actes pouvant constituer des crimes de génocide « ne pourra être réglé que par un tribunal compétent », a t elle souligné.
La Haute commissaire a précisé que le rapport n’était pas « une enquête judicaire » et qu’il n’établit pas « de responsable pénal individuel ». Elle a aussi déclaré que le rapport était publié simultanément aux commentaires des pays mentionnés par le rapport.
« Plusieurs Etats ont soulevé des problèmes qui sont de sérieuses inquiétudes pour eux, et l’ONU va maintenir un dialogue afin de les résoudre mutuellement. Il est très important de clairement établir les faits pertinents et de garantir qu’;à travers les efforts conjoints, les situations décrites dans le rapport ne surviennent plus jamais », a affirme la chef du HCDH.
« A travers cette entreprise nous effectuons un effort vigoureux pour contribuer à l’établissement d’une paix durable et pour la stabilité en RDC afin d’éviter des futures violations », a conclu Navi Pillay.
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