Fait rare au tribunal correctionnel de Toulouse. Lundi, une jeune fille de 18 ans demandait réparation à sa mère de 72 ans pour maltraitance physique et morale durant l’enfance.
Marthe et Paul respectivement 54 et 55 ans à cette époque, n’ont pas d’enfant. Malgré leur âge avancé le couple d’origine bosniaque adopte une petite fille de 16 mois à la fin des années 90 en Ex Yougoslavie. Marthe est très heureuse contrairement à Paul qui n’est pas particulièrement enthousiasmé. La petite est très jolie et se prénomme Nana. Un bonheur se dessine pour cette petite famille mais très vite les choses vont prendre une autre tournure.
Les liens entre Nana et sa mère sont très vite fusionnels. Et la mère et la fille deviennent inséparables. Seulement l’ambiance au sein du couple lui se détériore. Souvent aux heures de repas Marthe et Nana mangeaient ensemble et Paul restait isolé ou encore la fille partage toujours le même lit que sa mère. Mais en grandissant la petite se sent étouffée par dit-elle « se trop plein d’amour », elle n’est pas libre et ne s’épanouie pas comme les autres enfants de son âge.
Une enfant unique prisonnière de l’amour maternelle
La relation qui était fusionnelle va maintenant devenir conflictuelle.
Nana en quête de liberté et d’indépendance va tout de suite chercher à se démarquer de cette mère omniprésente. Au fur et à mesure que Nana grandit et rentre dans l’adolescence les rapports avec sa mère se détériorent. A l’audience Nana témoigne que sa mère l’interdisait de sortir, elle n’avait pas le droit d’aller chez des amis et elle ne devait recevoir personne à la maison. Sa mère la battait souvent, l’insultait, « tu ne feras rien de ta vie, tu finiras comme ta génitrice : prostituée ». C’est en classe de sixième que Nana a commencé à mentir à sa mère pour échapper à cette présence étouffante. « Je disais souvent que je finissais les cours à 5h or je finissais à 4h pour passer du temps chez une copine ». C’est aussi durant cette période du secondaire que la jeune fille se confiait aux assistantes sociales sur le comportement abusif de sa mère. Paul quant à lui était totalement inexistant et multipliait les comportements violents vis-à-vis de Marthe. Une ambiance familiale chaotique qui conduira à la séparation de Marthe et Paul. Dès lors la petite fille vit entre chez son père et sa mère mais rien ne va plus avec la mère elle trouve du réconfort chez ce père qui jusque là ne s’était pas manifesté.
Aujourd’hui c’est une jeune fille de 18 ans accompagnée de son père qui se présente comme partie civile et victime de maltraitance physique et psychologique contre sa mère. Nana estime que cette maltraitance à changé à jamais sa vie, elle dira « ma mère m’a volé mon enfance ». Pour son avocat il n’en fait aucun doute que Nana a souffert d’une mère trop aimante et qui a fini par détruire sa fille. Sa cliente réclame donc la somme exorbitante de 10.000 euros de préjudice moral. Et le père quant à lui réclame 1 euros symbolique, « je n’ai qu’un regret c’est de ne pas avoir protégé ma fille ». Marthe tentait de s’expliquer, elle a été rappelée à l’ordre plusieurs fois par la présidente du tribunal.
Une affaire déjà traitée par le tribunal pour enfant
Pour le Ministère public le tribunal correctionnel ne pourra jamais réparer les rapports mère fille qui sont selon lui déjà fichus. Un enfant ne peut pas remercier ses parents de l’avoir mis au monde ou de l’avoir adopté et il ne leur est pas redevable. Certes Marthe a donné une possible vie meilleure à Nana mais ce n’était pas une raison de la maltraiter ; Il requiert donc contre Marthe une peine de 6 à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve. Pour l’avocat de la défense il est regrettable qu’une fille attaque sa mère en correctionnel et demande une peine pénale pour une maltraitance difficile à prouver. Car pour elle Marthe n’a fait qu’éduquer sa fille. Doit-on la condamner aujourd’hui pour avoir voulu élever sa fille ? S’interroge t- elle. Il n’y a aucun témoin concret dans ce dossier qui peut justifier d’une réelle maltraitance qu’aurait subit Nana. Il n’ya eu aucune expertise psychologique sur Nana pour savoir si elle était psychologiquement stable ou qu’elle ne souffrirait pas de mythomanie. D’ailleurs au tribunal pour enfant son père avait catégoriquement refusé que sa fille soit suivit par un psychologue. Le médecin de famille qui la suit depuis 1993 n’a constaté aucun signe de maltraitance. Pour elle, la peine requise par le procureur général, est d’une extrême sévérité d’autant plus que Marthe n’a pas d’autre enfant pour être mise à l’épreuve.
Une affaire bien compliquée, surtout regrettable du point de vue familiale mais qui trouvera son épilogue jeudi prochain au tribunal de Toulouse.
Dorothée Ropivia